Instaurer le dialogue pour avoir confiance en la science

Les biotechnologies sont amenées à toucher de plus en plus de domaines industriels mais il faut pour cela une acceptation sociétale afin de permettre un développement économique soutenable. C’est dans cette optique que j’ai suivi les interventions organisées par Paul Colanna dans le cadre de la chaire développement durable environnement, énergie et société instituée par le collège de france. Plus particulièrement le séminaire intitulé “les biotechnologies vertes et blanches” a attiré mon attention alors qu’on associe trop souvent les biotechnologies au domaine de la santé. Néanmoins comme le souligne le sous-titre “enjeux environnementaux et défis technologiques” les biotechnologies sont encore en formation pour répondre à des problématiques liées à l’environnement. Dans le domaine de la santé l’objet des biotechnologies parait bien plus structuré et mature comme j’ai pu m’en rendre compte lors d’une conférence commentée dans mon dernier article. Ces discussions permettent d’y voir plus clair sur les perspectives qu’apportent les biotechnologies et sur les controverses de la biologie de synthèse qui se développe dans la continuité des biotechnologies.

Dialogue Science ET Industrie

Pour commencer il faut se demander ce qui pousserait les industriels à se rapprocher de la recherche publique, en particulier en faveur d’un développement durable dans le cadre de cette chaire. C’est la problématique que Bruno Latour aborde en introduisant son dernier ouvrage en cours de rédaction par la question ” avoir à nouveau confiance dans les institutions ? “, pour ce faire il décrit les éléments d’un dialogue entre un scientifique et des industriels:

Ils sont assis autour d’une table circulaire, une quinzaine d’industriels français, responsables du développement durable dans différentes sociétés. En face d’eux, un chercheur du Collège de France, spécialiste des questions de climat. Nous sommes à l’automne 2010 alors que fait rage la querelle sur l’origine humaine ou non du bouleversement climatique. L’un des industriels pose au professeur une question que je trouve quelque peu désinvolte : « Mais pourquoi faudrait-il vous croire, vous plus que les autres ? […] il répond dans un long soupir : « Si l’on n’a pas confiance dans l’institution scientifique, c’est très grave ». Et de se mettre à déployer devant son auditoire le grand nombre de chercheurs impliqués dans l’analyse du climat, le système complexe de vérification des données, des articles et des rapports, le principe du jugement par les pairs, l’immense réseau des stations, des bouées dérivantes, des satellites, des ordinateurs qui assurent le flux des informations —puis il se met à expliquer, debout au tableau, les pièges des modèles nécessaires à la rectification des données ainsi que les doutes successifs qu’il a fallu lever sur chacun de ces points.

Avant de commenter:

Puisque la Certitude est accaparée par ses ennemis et que le public se met à poser des questions impolies ; puisqu’il y a grand risque qu’on confonde la science avec l’opinion, il s’est rabattu sur ce qui semblait à portée de main : la confiance dans une institution qu’il pratique de l’intérieur depuis vingt ans et dont il n’a, en fin de compte, aucune raison de douter.

Et si Total s’est associé à cette chaire c’est qu’il n’y plus de raison de douter. Moins naïvement et plus simplement on peut dire que la firme prépare l’avenir de l’industrie pétrochimique en prévoyant que la biologie de synthèse représente des opportunités industrielles tout en communicant sur son engagement pour le développement durable. Cette association participe au développement de Total, en co-développement avec une société californienne, de ces nouvelles techniques afin d’innover en créant de nouveaux marchés alors que les experts scientifiques auront la possibilité de contrôler et tester l’ensemble de ces nouvelles techniques en les développant conjointement afin de répondre aux enjeux environnementaux. D’ailleurs l’évolution du domaine des biotechnologies, précipité par l’émergence de la biologie de synthèse qui est encore en formation, est structuré grâce aux experts scientifiques travaillant dans les laboratoires publiques d’excellence qui étaient venus présenter l’état de la technique relative aux biotechnologies.

On peut dès lors parler des activités de Paul Colonna, cet expert dans le domaine de la chimie verte est le directeur de l’Institut Carnot Bioénergies, Biomolécules et Biomatériaux du Carbone Renouvelable porté par l’INRA dont il est le délégué scientifique développement durable. Ces instituts Carnot ont pour objectif de faciliter la recherche partenariale à l’initiative des organismes de la recherche publique pour se rapprocher du monde économique des industriels, ainsi le réseau Carnot a institué une charte des bonnes pratiques de Propriété Intellectuelle, et de Transfert de Connaissances et de Technologies. Il est nécessaire que ce rapprochement entre le milieu industriel et le monde scientifique se fasse de manière cadrée afin de privilégier toute transparence, ceci dans le but de dévoiler la proximité d’intérêt des deux sphères afin d’éviter tout conflit d’intérêts. En effet les scientifiques garantissent la vérité des faits en confrontant leurs analyses entre experts, mais ils ont également un rôle de consultant auprès des industriels pour porter ces analyses à l’épreuve des applications technologiques qui peuvent répondre à des enjeux environnementaux.

Dialogue science EN société

Le dialogue science ET industrie permet de fixer le cadre pour développer la biologie de synthèse dans le but de répondre à des enjeux environnementaux (ou de santé). Ceci est un début de réponse aux questions que pose régulièrement Dorothée Benoit Browaeys (VivAgora) de type “pour quoi faire ?” ou “ça sert à quoi ?“, en effet elle porte un regard très critique sur la biologie de synthèse. D’ailleurs VivAgora fait parti des signataires du moratoire en faveur d’une surveillance de précaution de la biologie de synthèse à l’initiative des amis de la terre établissant comme premier principe le principe de précaution. Il s’agit maintenant de dépasser les positions de chacun du dialogue science ET société auxquels on a pu assister à l’initiative de VivAgora afin de construire un dialogue dépassant les clivages en associant les possibilités offertent par la technologie avec les attentes sociétales. Ce dialogue implique une multitude d’acteurs allant des journalistes aux scientifiques, lors du séminaire au collège de France la session intitulée “La recherche publique apporte-elle les connaissances suffisantes dans le domaine des biotechnologies pour éclairer les choix des citoyens et les décisions des politiques ?” apportait les éléments de ce dialogue. Ce dernier s’est construit sur l’opposition entre l’affect exprimé par les opinions du grand public qui sont animés passionnément par les journalistes et l’appel à la raison d’un scientifique qui argumentait en faveur d’une éducation de la biologie moderne permettant aux futurs citoyens de juger les biotechnologies de manière rationelle. Au dela de ce clivage les deux parties font figure de médiation de ces controverses en apportant des questionnements sur les enjeux éthiques qu’apportent les biotechnologies.

Deux autres médiateurs intervenaient également dans le débat. Le directeur de communication de l’INRA anima le débat pour le mener sur le thème de la confiance en la science jugeant que cette confiance est “pétrie d’angoisse”. Il indiquait qu’une certaine défiance en la science peut tourner à la peur du complot notamment dans le cas des OGM, sur cette controverse particulière il citait la présentation de Pierre-Benoit Joly qui permet de définir le cadre des controverses sociétales. Lors de la table ronde ce dernier précisait que selon une enquête statistique les citoyens ont bien plus confiance en la science qu’envers les politiciens avant d’exemplifier la défiance des citoyens en disant qu’il s’est fait nommé de sociologue mercenaire lorsqu’il a réalisé une étude sur les nanotechnologies. On retiendra qu’il est préférable de parler d’un dialogue science EN société qui a pour but d’instaurer les bases d’une interaction constructive entre la communauté scientifique et le grand public. C’est ce que développe une étude de l’IFRIS (Institut Francilien recherche innovation société) qu’il dirige dans le cas de la biologie de synthèse à la demande du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. La Stratégie Nationale de Recherche et d’Innovation est citée pour représenter l’approche française:

Cette nouvelle donne impose de créer un environnement propice pour assurer les conditions de la confiance : associer les parties prenantes à la définition des stratégies de recherche et de programmation nationale ou locale ; garantir la transparence ; développer les réflexions sur la déontologie et les questions d’éthique ; conforter la pratique de l’expertise publique ; développer le goût pour les sciences et la culture scientifique, dès l’école et tout au long de la vie ; faciliter les débats sur les controverses concernant la science ou la technologie ; stimuler la recherche sur les relations sciences-sociétés.

Ceci permet de réfléchir de manière collective aux perspectives que l’on souhaite donner aux opportunités offertes par la biologie de synthèse en intégrant progressivement ces nouvelles pratiques dans un cadre institutionnel commun. Plusieurs parties prenantes participent à l’élaboration de ce cadre parmi lesquels on trouve de nombreuses associations qui permettent de formaliser différentes positions. Néanmoins pour faire avancer le débat ces positions ne devront pas rester statiques mais médiatrices afin de permettre le changement vers des projets collectifs en faveur de l’environnement et de la santé.

Le réseau des acteurs de l’innovation dans le domaine des biotechnologies

J’ai assisté au 10ème forum Paris Biotech Santé pour me familiariser avec les acteurs du domaine des biotechnologies dans la continuité de la première conférence à laquelle j’avais assisté sur le sujet des partenariats de la recherche publique et privée. Ce forum révélait toute l’étendu des acteurs de l’innovation sur plusieurs niveaux même si l’identification de leurs relations était difficile. Cette complexité a d’ailleurs été évoquée par Fabrice Papillon, journaliste scientifique, créateur de la société de production audiovisuel Scientifilms et animateur de conférence, qui lors de l’échange avec le public relançait les intervenants sur le problème de superposition des strates rendant l’organisation de l’innovation compliquée. Les discussions se sont concentrées sur les biotechnologies rouges avec pour titre innovation thérapeutique et création d’entreprises dans le domaine de la santé humaine.

Avant tout il faut parler de la structure de l’incubateur menée par Olivier Amédée-Manesme qui en parle lors d’un passage sur BFM Business. Celui-ci a fait une courte introduction pour laisser place aux discussions, on reteindra que les financements de l’incubateur sont publics, même si quelques entreprises pharmaceutiques participent au financement, et il fait parti de la structure de l’hôpital Cochin qui est dépendant de la faculté de médecine Paris-Descartes. Mais ce qu’il faut savoir sur l’organisation et son directeur c’est qu’il fonctionne grâce à son réseau social avec l’appui majeur d’Axel Kahn. En effet la structure ne compte que 4 ou 5 personnes, une de ces personnes m’a expliqué qu’ils s’occupaient principalement de l’administration et du site internet car l’incubateur fait appel à des cabinets de consulting pour le reste.

J’ai beaucoup appris du débat formel mais aussi des échanges informels à la pause et lors du déjeuner. Les interventions des acteurs ont permis de mieux comprendre les interactions entre différentes sphères et plus particulièrement la construction des systèmes nationaux d’innovation à travers l’intervention d’Arnold Munnich, conseiller du président de la république pour les questions de santé, qui nous a présenté la politique française en matière de recherche en parlant d’un nouveau paradigme moral. Ce nouveau paradigme de la recherche constitue l’évolution de la structure institutionnelle en matière de politique de la recherche et de politique industrielle. L’ensemble des intervenants appartenant aux grandes institutions publiques ou à de grandes entreprises participent également à l’élaboration de ce paradigme qui considère qu’on doit associer la recherche et l’application permettant de déposer des brevets, créer des entreprises et ainsi faciliter l’obtention de financements. On pourra considérer ces intervenants comme un rassemblement de “technocrates”, Jean-Louis VIOVY fut provocateur sur ce point à l’égard d’Arnold Munnich. Contrairement à l’opinion reçue que les chercheurs ne crédibilisent pas le passage de la recherche aux applications il nous informe que ses pairs l’ont félicité pour son initiative de création d’entreprise en démarrant grâce à 60 000€ de “love money”. Il ajoutait qu’il préférait le terme de “smart money” et qu’il était néanmoins d’accord sur l’importance d’un changement de paradigme moral évoqué par le conseiller.

Qu’on ne soit pas d’accord sur certains détails d’ordre politique il est difficile de contester l’initiative engagée pour faire des réformes de la recherche dans la continuité des pôles de compétitivité. D’ailleurs un chercheur travaillant de le cadre d’un de ces pôles ne pouvait pas s’empêcher d’intervenir pour en faire l’éloge. Les réformes ces dernières années sont conséquentes, à ce sujet le débat entre Axel Kahn et Valerie Pécresse que j’avait manqué est très intéressant. Comme le fait remarqué l’animateur du débat:

On sent effectivement ce respect, même pour tout vous dire en commençant le livre j’ai presque été un peu déçu, je me suis dit qu’ils passent leur temps à être d’accord à se faire des politesses, on sent énormément de respect et puis finalement quand on rentre dans le fond du débat on se rend compte que des fois il y a vraiment des points d’achoppement, que ça débat vraiment mais ce respect j’imagine qu’il n’est pas fin et que finalement vous vous connaissez assez bien, vous ne vous êtes pas rencontré pour ce livre.

Ces échanges qui se rapprochent parfois d’un débat quasi philosophique font vivre les controverses autour de la Science, on se rend compte qu’on touche ici aux questions essentielles pour structurer le réseau des acteurs de l’innovation. L’incubateur Paris Biotech Santé représente un lieu de rencontre de ces acteurs auquel Axel Kahn participe et que le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur soutien, d’ailleurs le nouveau ministre Laurent Wauquiez devait clore le forum. Néanmoins ce dernier a annulé ce rendez-vous pour accompagner le président aux 50 ans du Cnes à Toulouse, son conseiller Jacques Stern l’a alors remplacé. Enfin Axel Kahn conclut le forum en annonçant avec émotion que sa présidence de l’université Paris Descartes s’arrêtait. On pourra regretter que Valerie Pécresse ne l’ait pas retrouvé à cette occasion pour réanimer le débat qu’ils ont fait avancer brillamment et passionnément.

Lieu(x) de rencontre de La Paillasse et du DIYbio (3/3)

De La Paillasse à Le Grand Mix #2 en passant par le Génopole

C’est à l’initiative de Thomas Landrain que Jason Bobe était venu nous faire sa présentation, il est le président et co-fondateur de La Paillasse qui est l’un des rares lieux de rencontre DIYbio en France se réunissant tout les jeudis avec /TMP/LAB, hacker space plus orienté culture et art autour des nouvelles technologies. Ce jeune président est également chercheur doctorant au Génopole c’est pourquoi il y a organisé une autre conférence le lendemain, Jason Bobe devait donc faire face à un public plus aguerri.

Ce n’est pas tout car Thomas Landrain participe également à des évènements d’un collectif appelé le grand mix qui regroupe des associations questionnant la culture scientifique et la culture numérique, ainsi la dernière rencontre annonçait que:

La recherche a longtemps été un domaine réservé aux élites sociales ou intellectuelles et la science une richesse à partager avec parcimonie. Aujourd’hui encore, les projets de science citoyenne viennent « d’en haut ». Rares sont les initiatives qui, calquées sur la dynamique du web 2.0 et le « bazar » cher aux geeks, viendraient mettre sens dessus dessous la « cathédrale » scientifique.

Le renversement qu’ils cherchent à effectuer est intéressant car il pousse les individus à prendre des initiatives en comptant sur de nouvelles façon de travailler. Ici Silicon Sentier entre en jeu, elle rassemble tout ces scientifiques, artistes, innovateurs et amateurs dans un lieu “affordant” le co-working. Cette association est plus généralement un dynamiseur de l’innovation grâce au développement de réseaux collaboratifs en île de France qui permettent de faciliter l’émergence de start-up et de PME alors que d’autres réseaux sont en développement dans d’autres villes. Mais cette dynamique ne doit pas être trompeuse car même si cette approche bottom-up est source d’innovations il ne faut pas négliger l’impact positif des initiatives top-down telles que les pôles de compétitivité, d’ailleurs Cap Digital est partenaire, qui permettent d’apporter une confiance structurante aux différentes organisations. Silicon Sentier repose sur des investissements publiques même si l’on peut noter un soutien de Google ou Orange.
L’apport de cette dynamique tout comme le mouvement DIYbio avec les biohackers et leur FabLab apporte une nouvelle vision de l’innovation. Habituellement l’innovation est industrielle car on considère que l’innovation repose essentiellement sur une amélioration technique continue et contrôlée alors que cette nouvelle approche est représentative d’une innovation sociale. Cet engouement place l’association d’individus autour d’un projet co-construit en faisant (DOING) comme le coeur de l’innovation. Il manquera peut être à ces rêveurs qui sont les visionnaires du monde à venir de ne pas oublier de s’influencer de l’innovation industrielle en ce qui concerne la définition d’un business plan et la gestion de la propriété industrielle pour rester attaché à la réalité technico-économique.

Pour prolonger ces reflexions il serait utile de suivre le séminaire du centre Alembert sur le thème de l’émergence de nouvelles pratiques et cultures dans la production du savoir scientifique, on pourra alors à nouveau rencontrer Thomas Landrain le mercredi 23 novembre. Lui et François Taddei présenteront les nouvelles façons de faire de la recherche à travers la science participative et l’apprentissage collaboratif, François Taddei m’avait particulièrement marqué lors d’un passage à TEDx intitulé “pour un nouveau modèle d’éducation“.

Lieu(x) de rencontre de La Paillasse et du DIYbio (2/3)

Personal Genome Project plutôt que DIYbio

J’avais été informé de cette conférence grâce à un de mes liens twitter, je m’étais progressivement abonné à des acteurs majeurs du domaine des biotechnologies. Ce domaine m’intéresse particulièrement car il représente une technologie générique mais qui contrairement aux NTIC a plus de potentiels que d’applications. Je crois qu’elle va être la prochaine grande révolution c’est pourquoi je cherche à comprendre sa dynamique et sa structuration.

J’ai donc commencé à m’intéresser au mouvement DIYbio, qu’on associe généralement à la figure du biohacker, en ayant découvert le phénomène culturel du DIY qui regroupe à la fois la création d’objets artistiques mais également technologiques selon wikipedia. L’imprimante 3D représente le processus de production majeur de ces objets ce qui intéresse de plus en plus le milieu industriel, cette idée d’automatiser la production à partir d’un logiciel qui permet de conceptualiser des objets a été appliquée à l’échelle nanométrique grâce à des techniques utilisant l’ADN. Je m’attendais donc à une exposition du phénomène DIY appliqué au domaine des biotechnologies.
La présentation a comencé par ce sujet en discutant de la réduction des coûts de séquençage de l’ADN et de l’émergence d’une communauté rassemblant de plus en plus de passionnés à travers le monde. Ces lieux de rassemblement qu’on nomme conventionnellement FabLabs induisent la création et le développement de machines qui sont élaborées de manière collaborative, dans le monde du DIY la RepRap qui est une imprimante 3D “autoréplicante” n’est plus à présenter. Jason Bobe présente rapidement quelques machines en insistant sur leur faible coût, il explique également que la création de ces outils permet la diffusion de techniques médicales dans les pays en développement. Néanmoins il ne suffit pas de leur fournir ces outils mais il faut leur apprendre à les fabriquer, à les améliorer continuellement en mettant en place une cellule de développement sur place.
Il a également effectué une comparaison avec le mouvement informatique des année 80 qui a donné lieu à la création d’Apple par Steeve Jobs et Steve Wozniak qui débutèrent dans le garage de la famille Jobs. J’ajouterais que Steve Jobs a construit le succès d’Apple suite à une découverte au détour d’une visite du PARC (Palo Alto Research Center) de Xerox, à savoir l’introduction d’une interface graphique et l’utilisation de la souris, entreprise qui introduisit l’invention du photocopieur et de l’imprimante. De plus la véritable invention du système d’exploitation provient du développement d’Unix par Dennis Ritchie et Ken Thompson qui fut permis grâce à son invention du language C, ceci simplifia le language informatique. Ainsi le fait de dénicher les meilleures idées afin de les associer dans son garage par des amateurs passionnés fait vivre l’informatique. Pour la biologie on trouve de plus en plus de passionnés qui peuvent se lancer dans les biotechnologies de garage, néanmoins même si les prix diminuent cela reste couteux d’avoir son installation personnelle c’est pourquoi l’autre solution pour vivre sa passion consiste plutôt à créer ou adhérer à un “club” tel qu’un bio fablab. Je pense que cette solution est plus adaptée pour répondre à la problématique apportée par Jason Bobe sur l’éthique de ces open spaces, il est sans doute plus facile de faire appliquer les codes de bonnes conduite au sein des bio fablabs que dans les garages.
Je viens d’élargir les thèmes soulevés par Jason Bobe, ce mouvement est amplement discuté à travers le web. Mais il est venu pour nous faire passer un autre message, c’est du personal genome project dont il est venu nous parler.



Il a introduit le projet Bioweathermap sur lequel il travail actuellement, il consiste à cartographier notre environnement microbiologique afin de référencer la biodiversité qui nous entoure, faciliter les diagnostics de santé en fonction de l’environnement de chacun et surveiller notre environnement écologique pour proteger les ressources naturelles. Pour ce faire une étroite collaboration avec Autodesk a été liée afin de visualiser l’ensemble des données répertoriées, cette entreprise de logiciel de design permet de réaliser des modélisation 3D et 2D qui représentent les outils d’une nouvelle révolution industrielle.
Mais ce projet n’est qu’un sous projet du personnel genome project que Jason Bobe a introduit progressivement en parlant de la communauté DIYbio qu’il a fondé, la communauté avec laquelle il travaille actuellement est celle du personal genome project dont il est le community manager qui n’a pas vraiment le même visage que la communauté d’amateur. On trouve à sa tête le visionnaire George Church qui est avec Craig Venter leader d’opinion de la biologie moderne notamment grâce au développement de la biologie de synthèse. Alors que le deuxième avait travaillé sur le séquençage du génome humain en privatisant la recherche le premier avec le personal génome project a une démarche ouverte en laissant librement accessibles les données des volontaires dont le génome a été séquencé. On observe que la controverse est réflexive à travers l’opposition public-privé, rendre privé le public ou rendre public le privé. En effet on avait reproché à Craig Venter d’avoir privatisé le génome humain alors qu’actuellement on reproche à George Church de rendre public le génome personnel. Ceci me permet de faire la comparaison à travers le thème de la morale et de l’éthique qu’a introduit Jason Bobe. Il affirme que leur projet laisse le choix aux personnes, un entretien avec les volontaires à propos des raisons de ce choix est nécessaire. On trouve une représentation audiovisuel de la démarche sous la forme d’un documentaire construit en “webisode” dont il nous a montré un extrait. On remarque que ce sont les participants qui doivent agir en libre arbitre, il co-construise ce projet avec les scientifiques ce qui rend le projet à taille humaine et apporte un débat entre science et société. Des conférences tel que celle organisée par le génopole permettent de penser ces questions, d’ailleurs les débats du premier colloque 2010 se poursuivent le 8 décembre 2011.
Pour finir la notion centrale justifiant la diffusion des informations génétiques des volontaires est celle du risque. En effet ces informations relatives au déterminisme de l’évaluation du risque de santé remettent en cause le mécanisme de l’assurance santé. L’un des 10 premiers volontaires pour le projet, dont fait partie Georges Church, a exposé son éthique dans un article publié par The New York Times dans lequel il soulève ce problème. Ce psychologue qui ce dit de “temperament libertarien” pense que l’assurance santé ne sera plus viable avec l’introduction de la génomique personnelle. A la fin de sa présentation Jason Bobe s’est vu poser des questions embarrassantes à ce sujet, il a répondu que le système de l’assurance vie sera chamboulé avec l’arrivée de la médecine personnelle car la notion de risque devient hors de propos.

J’ai été surpris par les sujets abordés par Jason Bobe alors que je m’attendais plutôt à une présentation davantage centrée sur le mouvement DIYbio. Je retiendrais quelque chose de plus existentiel que le coté “fun” du DIYbio, alors que je considère cette pratique comme une vulgarisation scientifique j’ai découvert une vision plus pure dessinée par des spécialistes qui, pour reprendre l’analogie de Jason Bobe, rêvent d’être les artistes du XXIème siècle en dressant le portrait d’individus quand Léonard de Vinci dressait le portrait de Mona Lisa au XVème siècle. Mais il ne faut pas oublier qu’ils sont à la fois artistes et techniciens, en tant qu’artistes ils créent un imaginaire collectif alors qu’en tant que techniciens ils doivent représenter la confiance en mesurant les risques de leur activité qu’ils réalisent comme un travail de l’ordre de l’utilité publique. Ceci me permet d’introduire le thème des “entretiens du nouveau monde industriel 2011: les technologies de la confiance” car le sujet de la session 2 me parait particulièrement pertinent sur cette question de la perte de confiance en la science qui est de plus en plus controversée.

Lieu(x) de rencontre de La Paillasse et du DIYbio (1/3)

Je voulais revenir sur la dernière conférence intitulée Do-It-Yourself Biology à laquelle j’ai assisté qui me semble centrale par les liens qui gravitent autour de deux personnalités Jason Bobe et Thomas Landrain dans le lieu de rencontre exceptionnel qu’est la gaité lyrique. Le hasard de la recherche Google m’a fait découvrir qu’une autre conférence avait eu lieu le lendemain au Génopole.

La gaité lyrique

Commençons par ce lieu incontournable à Paris que je n’avais guère remarqué alors qu’il se trouve dans le quartier du Marais / Les Halles. En effet  j’ai l’habitude de fréquenté le Centre Pompidou alors que j’ai approché les Arts et Métiers pour ses formations et son musée (j’ai d’ailleurs manqué un débat qui était animée au CNAM la même soirée à partir du livre-débat controverses rassemblant Axel Kahn et Valérie Pécresse). Les Halles n’est pas l’un des épicentres de Paris pour rien, d’ailleurs le projet architecturale du forum des Halles qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas représente une rénovation de cet espace de vie sans commune mesure.
En entrant dans ce lieu atypique j’ai eu une sensation de bien-être grâce à cet intérieur au design futuriste. Ce lieu est pensé autour des “révolutions numériques”, en montant au premier étage je suis tombé sur un espace jeux vidéo où des grands-pères viennent jouer avec leur petit-fils. Mais ce qui m’a intéressé davantage c’est le centre de ressources, dans un décors minimaliste on trouve des livres et magazines qui traitent du rapport entre arts, sciences et technologies. Ainsi je me suis arrêté au rayon Art et Science où j’ai pu trouvé tous les livres sur le sujet que j’avais aperçu sur amazon. La conférence allant commencer je me suis dirigé vers l’auditorium, ce fut une nouvelle surprise visuelle. En effet en entrant dans la salle je me suis senti éveillé par les tons oranges et l’ambiance lumineuse, je ne sais pas si c’est le peps de la salle ou mon intérêt pour le sujet de la conférence et la qualité de la présentation mais j’ai suivi la conférence avec grande attention.